Assez !
Je ne veux plus faire partie de ce système. Je ne veux plus être compris dans des chiffres, des statistiques, être pris en compte.
Mine de rien, on nous classifie. On compte les lettres qu'on reçoit, celles qu'on envoie, les coups de téléphone qu'on passe et le temps qu'ils durent. La communication est devenue payante.
Il faut raquer pour avoir droit à des contacts avec autrui.
Raquer pour manger.
Raquer pour être instruit.
Raquer pour avoir un logement.
Raquer pour pisser, des fois, même.
Raquer pour se déplacer.
Raquer pour se couvrir le corps.
Si j'étais un vrai rebelle j'irais au lycée à poil.
En fait.
Tout nu. Comme un grain de sable dans la machine bien huilée de l'industrie du textile.
En fait.
Mais bon, c'est plus facile de se plier aux règles qu'on a édictées pour nous. Et quand ils dépassent les bornes, il y a toujours une règle plus tôt qui nous arrange et qui en même temps nous empêche de protester contre celle-ci.
C'est un château aux pieds d'argile.
Un colosse de cartes.
Un fragile édifice qu'il ne tient qu'à nous de maintenir droit ou de pousser pour tout faire basculer. C'est plus facile de le maintenir droit, on a de l'ombre, et puis on peut le faire en s'y adossant, oulalah c'est plus agréable, c'est moins fatiguant que de pousser, regardez, ma petite dame : Les trois connards là-bas, qui se déchainent à essayer de renverser ça, ils y arriveront jamais. Oulalah, qu'ils sont bêtes, je suis bien mieux à l'ombre ici.
Y' a trop d'amorphes, trop d'apathiques, trop de personnes que ça arrange de rester adossées là.
En fait.
Si j'avais le choix j'irais m'asseoir au soleil. Si on me laissait le choix, je ferais pas basculer pas le système, tant pis pour les connards, ils finiront emprisonnés dans ce truc malsain, et cette engeance mourra un jour. J'irais juste m'asseoir loin.
Au soleil, sous la pluie, n'importe où tant que c'est un endroit où il n'y a rien de construit.
En fait.
Et j'irais avec des musiciens, des artistes, des illustrateurs, des Paons, des ânes, des binômes, des trinômes... N'importe quoi tant que ceux qui me suivent ne savent pas construire quoi que ce soit.
Ne SAVENT pas.
Ceux qui savent et ne veulent pas c'est autre chose. Je ne sais pas si un jour, ils ne seront pas rendus fous par l'idée de ce qu'ils pourraient faire parce qu'ils savent le faire, juste un petit code, quelque chose... Pitié, ça ne dérangera personne... J'en meurs d'envie... S'il vous plaît...
Et ça redémarrerait.
Pourquoi on ne peut pas s'en aller loin?
Pourquoi??
La dimension de l'espace est déjà sous l'emprise de ce château qui commence à répandre des immondices
partout, et la dimension du temps ne se laisse pas facilement explorer.
Je suis crevé. J'ai une envie de faire comme j'ai envie, de me débarasser de ce carcan de règles, de conventions et de bienséance qui pèse trop lourd, qui finira par me rendre fou, peut-être un jour. Ou bien je finirais par m'y faire, et ça sera peut-être pire, en fait.
Je les vois, ceux qui rigolent au fond, ceux qui disent que le carcan n'est pas si lourd, que j'en fais trop, que je ne suis rien qu'un pseudo-rebelle.
Qu'Oulalah j'en fais trop, et que je ferais mieux de rentrer dans le rang et d'aller m'acheter des baskets comme tout le monde, qu'à force de tous vouloir être différents on sera tous pareils, et puis que eux ils portent le carcan et qu'ils ne le trouvent pas si lourd. Que je devrais jouer le jeu comme tout le monde, et qu'on verra bien où je finirais classé.
Je répondrais que je ne suis pas un pseudo-rebelle.
Je m'auto-définirais plutôt comme un utopiste.
En fait.
L'herbe est plus verte en devenant forgeron.